Ceux et celles qui redoutent cette plante et qui la détruisent sauvagement en la fauchant ou en la combattant avec des pesticides ont dû certainement l’approcher de très près et en ressentir de cuisantes réactions pour justifier un tel acharnement. C’est cette mauvaise réputation qui incite chacun de nous à s’en débarrasser car elle est partout présente. Dans les sous-bois il n’est pas un fourré qui ne soit rendu impénétrable par le barbelé des ronciers et les grandes orties postées comme des sentinelles en alerte. Pour l’espèce urtica dioica la zone piquante est localisée sur le pétiole et le dessous des feuilles ainsi que sur la tige. Les poils qui la tapissent sont creux et leur pointe si fragile qu’elle libère, au moindre effleurement, un liquide contenant de l’acide formique et un certain nombre d’enzymes qui provoquent une réaction cutanée de la peau suivie d’une démangeaison douloureuse et prolongée. Pourtant cette plante est précieuse non seulement pour ses propriétés médicinales mais aussi pour ses qualités alimentaires. Disons quelques mots de ses pouvoirs thérapeutiques. L’ortie est utilisable depuis la racine à la tige, des feuilles aux fleurs. Elle se prend généralement en infusion ou en décoction ; dans ce cas quelques poignées de jeunes feuilles sont jetées dans un litre d’eau. Le liquide obtenu, pour les herboristes, semble pouvoir guérir toutes les affections. Il n’est pas douteux qu’il a des vertus dépuratives, diurétiques, astringentes et antianémiques ; ses qualités de fortifiant, de régulateur du sang, de stimulateur des fonctions digestives ne sont plus à souligner. On dit même que cette infusion fait baisser le taux de glycémie chez les diabétiques. Disons maintenant quelques mots sur ses qualités alimentaires. J’invite le lecteur à faire, comme je l’ai expérimenté récemment, une soupe d’ortie car c’est un produit riche en protéines, en sels minéraux, en oligo-éléments, en vitamines A et C. Prévoir une cocotte ou une grande poêle Recette pour 6 personnes : -# Cueillir, en mettant des gants, 400 grammes de jeunes feuilles d’orties (ne prendre que les sommités et laisser les tiges et les pétioles) -# Bien nettoyer et rincer ces feuilles ; jeter ensuite dans le fond de la cocotte un peu de beurre ou d’huile, un ou deux oignons, puis les orties, progressivement -# Faire rendre l’eau à feu vif tout en remuant pendant 5 bonnes minutes. L’énorme tas de feuilles, suite à ce traitement, diminue très fortement -# Au changement de couleur ajouter 1 litre et demi d’eau salée plus 400 grammes de pommes de terre coupées en cubes ou en rondelles (on pourra ajouter de l’ail si l’on veut) -# Au terme de la cuisson (environ 1 heure) mixer convenablement l’ensemble puis ajouter de la crème fraîche et du poivre pour les amateurs. – Les photos suivantes, de l’auteur, montrent les étapes successives de cette préparation facile à réaliser. Le plus long est de supprimer les tiges et les pétioles des feuilles.
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Leonhart Fuchs
Fuchs naquit en Allemagne le 17 janvier 1501 à Wemding, ville située à l’ouest de Nördlingen. On sait peu de chose sur sa famille si ce n’est que son père et son grand-père occupèrent la charge de bourgmestre (l’équivalent de maire) dans sa ville natale. Suite à de brillantes études supérieures menées à Erfurt et à Heilbronn il obtint un titre de docteur en 1524 ce qui lui permit, en 1526, d’obtenir la chaire de médecine à Ingolstadt. Il y pratiquera et enseignera cette discipline pendant deux ans au terme desquels il deviendra le médecin attitré du margrave [1] Georges de Brandebourg à Ansbach. —— Représentation de Fuchs ———- Plus tard, en 1535, il sera appelé à Tübingen par le duc Ulrich de Wurtemberg afin de participer à la réforme de l’université dans l’esprit de l’humanisme suite à son adhésion aux idées de Luther. Il restera dans cette ville jusqu’à sa mort qui surviendra le 10 mai 1566. Durant cette période il occupera, en plus de ses fonctions de professeur, le poste de recteur pour lequel il sera reconduit sept fois de suite. Ces différentes charges ne l’empêcheront pas de s’intéresser à l’anatomie, à la thérapeutique, à la botanique et à la chirurgie (il fera également des recherches sur la lèpre) ; dans ses écrits il tentera de renverser l’autorité des médecins arabes en remettant à l’honneur les auteurs grecs et romains comme Dioscoride [2], Pline l’Ancien [3], Hippocrate et Galien. Cet article n’étant pas particulièrement destiné à parler de médecine intéressons-nous maintenant aux travaux de Fuchs en matière de botanique ; ils feront l’objet d’un ouvrage intitulé : De Historia stirpium commentarii insignes qui paraîtra à Bâle en 1542. Dans la préface, adressée au margrave de Brandebourg, il dresse un historique de l’usage des plantes médicinales depuis l’Antiquité jusqu’à son époque. Fuchs recense et présente ensuite, dans l’ordre alphabétique, plus de 400 plantes d’origine allemande avec leurs vertus médicinales auxquelles viennent s’ajouter une centaine de plantes étrangères, parfois même exotiques comme le maïs originaire d’Amérique. Au lieu de se contenter, comme la plupart des érudits de l’époque, d’étudier la nature dans les livres anciens où les plantes décrites ne sont pas forcément celles de leur environnement et d’en faire une compilation, Fuchs engagea deux dessinateurs plus un graveur qui furent chargés de reproduire, d’après nature et avec un grand souci d’exactitude scientifique, les espèces qu’il avait soigneusement déterminées. —– L’Anémone sylvestre dans Historia stirpium ——- Les portraits de ces artistes au travail sont représentés à la fin de son ouvrage ainsi que celui de l’auteur. C’est surtout aux 512 bois gravés présentant les plantes en pleine page que cet herbier imprimé doit sa célébrité. Fuchs fut le premier à décrire la digitale (Digitalis purpurea et Digitalis lutea) dont les fleurs furent nommées par lui : dés à coudre. Si ce livre a des qualités certaines il faut tout de même dire que les critères utilisés par Fuchs pour délimiter les espèces s’appuient essentiellement sur l’apparence générale des fleurs, voire sur leur odeur, leur couleur ou la grandeur des feuilles. Il ne tente pas d’élaborer un système de classification et il range les plantes, comme on l’a dit, suivant un ordre alphabétique. —— Index de Historia stirpium : les plantes sont présentées selon un ordre alphabétique. —— Il utilise, certes, un système binomial (nom du genre suivi d’un nom d’espèce) sans pour autant le systématiser comme le feront plus tard Linné puis Antoine de Jussieu. Chaque chapitre présente un genre et les différentes espèces qui le composent ; pour chacune d’elles sont précisés le milieu où on la trouve, les diverses propriétés que lui ont attribuées les auteurs anciens ainsi que leurs fonctions thérapeutiques. Malgré ces imperfections Leonhart Fuchs a contribué largement au progrès de la botanique de même que Valerius Cordus et Otto Brunfels considérés comme les pères allemands de cette discipline. —— [1] Margrave : titre porté par certains souverains d’Allemagne. [2] Dioscoride : Médecin grec du premier siècle de notre ère ; son herbier illustré intitulé « De Medica Materia » est le meilleur traité de Botanique jamais conçu jusqu’à la Renaissance. Les descriptions des plantes (environ 600) sont toutefois superficielles et parfois inexactes. Son œuvre, très appréciée au Moyen Âge, fut souvent recopiée et traduite dans de nombreuses langues. [3] Pline l’Ancien : naturaliste romain du premier siècle ; auteur de nombreux traités il est surtout connu par son Histoire Naturelle en 37 volumes qui a été, pendant longtemps, la référence en matière de connaissances scientifiques et techniques. On pourrait parler d’une encyclopédie tant les sujets traités sont variés ; pour ce qui nous intéresse, la botanique et l’agriculture occupent les chapitres 12 à 22 et les chapitres 23 à 27 traitent de la matière médicale botanique.
Le safran (Crocus sativus, Iridaceae)
Ses usages ne sont pas uniquement condimentaires. Autrefois, Le safran entrait aussi dans la préparation des encres d’enluminure et servait également à teindre les tissus. On a développé, depuis, des teintures synthétiques. Le safran était également utilisé en pharmacie comme antispasmodique, anesthésiant et chez les Arabes comme aphrodisiaque. Pourquoi cette épice est-elle si chère, plus chère même que la truffe, le caviar ou l’or ? Un kilogramme de safran, en effet, peut valoir entre 3000 et 25000 Euros le kilo ! A noter, toutefois, que 0,4 grammes suffisent pour parfumer une paëlla de six personnes. Qu’est-ce qui justifie ce coût ? Le safran est tiré d’une espèce de crocus à pétales violets (Crocus sativus) qui s’épanouit d’octobre à novembre et qui appartient à la famille des Iridacées (Iridaceae en latin). Chaque fleur porte un style grêle divisé dans le haut en trois branches épaisses et rouges appelées stigmates. —– Fleur de Crocus sativus —— Les stigmates de Crocus sativus constituent le safran officinal et condimentaire, denrée, comme on l’a souligné, de prix exorbitant mais qui s’explique par le fait qu’il faut près de 140 000 fleurs pour obtenir 5 kilos de stigmates qui se réduisent à un kilo quand ils sont séchés au soleil ou sur un feu de bois. La floraison s’étalant sur six semaines, la cueillette est journalière et se pratique sur des sujets à peine épanouis. Selon un article canadien il faut compter, au moment de la récolte, une vingtaine de personnes par hectare, chacune ramassant, en moyenne, 125 grammes de safran par heure (le style se coupe avec l’ongle du pouce sur l’index). Par mètre carré il faut compter 200 fleurs ! On compte aujourd’hui beaucoup de pays producteurs comme l’Inde, l’Iran, le Cachemire (30 à 40 tonnes par an), le Maroc, l’Espagne, la Tunisie. En France le safran est cultivé dans le Quercy, le Gâtinais. Dans le Loiret, à Boynes, on pourra même assister, en automne, à sa récolte dans la campagne environnante et visiter le musée consacré au ramassage et au traitement de cet or rouge ! Vu son prix élevé il existe de nombreux succédanés comme les fleurons (fleurs tubulées) jaune orangé du Carthamus tinctorius. Gare aux mélanges ! Il est donc conseillé d’acheter des stigmates car les poudres sont souvent frelatées. Contrairement à ce que l’on pourrait croire les vêtements des bouddhistes et des sâdhus indiens sont, la plupart du temps, teints en jaune non pas avec les stigmates de Crocus sativus mais avec le rhizome du curcuma appelé aussi safran des Indes. Dans nos contrées, le crocus ne doit pas être confondu avec le colchique d’automne qui fait partie des Colchicacées (Colchicaceae en latin) et est toxique. Il est pourtant facile de les différencier : le colchique possède 6 étamines contre seulement 3 pour le crocus.
Gesse (Lathyrus odoratus & sylvestris, Fabaceae, Fabales)
Le nom scientifique, Lathyrus, vient du mot grec pois. Les gesses sont des plantes herbacées, annuelles ou vivaces, grimpantes par des vrilles généralement ramifiées et formées à partir de la dernière paire de folioles. Les tiges sont anguleuses ou ailées. Les fleurs sont à corolle papilionacée constituée de 5 pétales libres : l’étendard en position supérieure, les 2 ailes latérales et la carène en position inférieure constituée de 2 pétales. —— Lathyrus sylvestris —— Les feuilles sont paripennées avec de 1 à plusieurs paires de folioles à nervures pennées ou parallèles. Elles sont parfois réduites à une vrille (Lathyrus aphaca). La vrille terminale est parfois absente (Lathyrus linifolius, Lathyrus palustris). Chez Lathyrus nissolia, des phyllodes à nervures parallèles sont présentes. Les stipules sont de taille et de forme variables. Le style est pubescent sur la face supérieure. Sur le pourtour méditerranéen, les gesses sont utilisées comme fourrage (Lathyrus cicera, Lathyrus clymenum) mais la consommation des semences peut conduire à une paralysie des jambes. Certaines espèces méditerranéennes (Lathyrus tuberosus) fournissent des tubercules comestibles. Lathyrus tingitanus est plantée en fourrage vert. Les gesses sont aussi des plantes d’agrément. Le pois de senteur (Lathyrus odoratus) est certainement l’espèce la plus connue du public. ——- Lathyrus odoratus. a: vue générale de la fleur papilionacée ; b : calice ; c : vue de face montrant l’étendard (flèche) ; d et d : les 2 ailes ; e : la carène ; f : les 10 étamines soudées par leur base ; g : les étamines entourant le style ; h : détail d’une anthère avec les grains de pollen ; i : le style qui se termine par le stigmate ; h : gousse mûre. Illustrations originales de Gérard Samson. ——- Cette espèce a été utilisée par Gregor Mendel (1822-18884) pour ses études sur la transmission héréditaire des caractères. Comme son nom spécifique l’indique, elle est devenue subspontanée en France mais elle est cultivée depuis l’Antiquité en Crète, en Sicile et le Sud de l’Italie pour son parfum. Les gesses ressemblent aux vesces mais s’en distinguent souvent par une tige anguleuse ou ailée et des feuilles à nervures parallèles. —– Voir une fleur de Genêt (Genista) ——
Acanthe (Acanthus, Acanthaceae, Dipsacales)
Les acanthes sont des plantes herbacées pérennes. Les feuilles sont en rosette, quelques unes sont disposées sur la tige, en position alterne ou opposée. Elles sont simples, à nervures pennées, profondément lobées. —— Feuille d’acanthe. Photographie : Gérard Samson ——– Les fleurs sont blanchâtres, à nervures purpurines, très grandes (de 3 à 5 cm de long), sessiles, disposées en épis terminaux, munies de bractées épineuses. —— Fleurs d’acanthe disposées en épi. Photographie : Gérard Samson. ——– Les bractées épineuses sont de 2 tailles : 1 grande bractée ( dessin a de la planche ci-dessous); 2 petites bractéoles linéaires : a’). Le calice est constitué de 4 sépales inégaux : 2 petits latéraux (c et c’) ; 2 grands, l’un inférieur (d), l’autre supérieur (d’). Les sépales sont soudés à leur base et sont accrescents au fruit. La corolle est réduite à une lèvre inférieure à 3 lobes (e), la lèvre supérieure étant absente. —— Morphologie florale de l’acanthe. a : bractée ; b et b’ : bratéoles ; c et c’ : sépales ; d et d’ : sépales ; e : lèvre inférieure de la corolle ; f : étamine ; g : étamines soudées par paires ; h : pistil. Illustrations originales de Gérard Samson. ——— Les filets des étamines sont libres (f) mais les anthères uniloculaires sont soudées par paire (h). L’ovaire est supère, le style est unique, le stigmate est bifide (g). Le genre est aisément reconnaissable par le port des plantes, la forme des feuilles, les bractées épineuses et la morphologie florale. En France, il y a une seule espèce, Acanthus mollis, présente sur le pourtour méditerranéen.