La fleur de lys est une fleur d’iris

Dans les manifestations artistiques des plus anciennes civilisations, comme celle des Assyriens ou des Egyptiens, ce motif a parfois été utilisé ; si cette image a une origine lointaine elle ne permet pas, pour autant, de dire avec certitude quelle fleur en est l’inspiratrice. Elle serait, suivant certaines interprétations, une représentation stylisée de l’iris jaune des marais (Iris pseudacorus) que Clovis, roi des Francs de 465 à 511, aurait adoptée après sa victoire de Vouillé sur les Wisigoths et disposée sur ses bannières en remplacement des trois crapauds qui les ornaient jusque-là. Pour nombre d’historiens cette attribution n’est qu’une légende servant à légitimer la royauté mais elle connaîtra, cependant, une grande diffusion. Depuis le 17e siècle cette tradition est discutée par les érudits mais elle n’en continue pas moins à persister. Ce motif ne prit son vrai nom de fleur de Lys que lors de la seconde croisade, en 1147. Louis VII le Jeune ayant décidé d’en faire le symbole de la France et de toute la Chrétienté, on l’appela d’abord Fleur-de-Louis, puis par déformation, Fleur-de-Luce (Loys) et, enfin, Fleur-de-Lis. Pour d’autres érudits la fleur de Lys représenterait un embout de javelot gaulois, voire d’angon, une arme franque avec pointe et crochets. Ce symbolisme guerrier serait plus en rapport avec l’époque où il fut adopté qu’une vision champêtre ! image0-1.jpg Pour clore ce vaste sujet signalons que Iris versicolor est devenu la fleur emblématique du Québec depuis le 28 octobre 1999 en remplacement du lis blanc (Lilium candidum) qui avait été choisi en 1963. Le cliché d’ Iris pseudacorus ci-dessous prouve qu’avec un peu d’imagination on peut styliser sa forme et lui donner l’allure d’une fleur de lis ! —– Iris_pseudoacorus.jpg Iris pseudoacorus —— Une fleur d’iris horticole prise sous un angle adéquat peut, de nos jours, donner l’impression qu’on a également devant soi une fleur de Lys. Comme on peut s’en rendre compte l’origine de l’emblème royal et marial est loin d’être assurée. —— iris_hort.jpg Iris horticole ——

Charles de l’Ecluse

Les deux hommes ne se sont point connus car un siècle environ les sépare. Charles de L’Ecluse naquit, en effet, en 1526, dans la ville d’Arras, et mourut à Leyde, au Pays-Bas, en 1609 alors que Plumier vint au monde en 1646. ____________________________________________________________ clusius-2.jpg Charles de l’Ecluse ____________________________________________________________ Clusius fit d’abord des études de droit, à Gand et Louvain, pour s’intéresser ensuite à la Médecine qu’il pratiqua occasionnellement. C’est à Montpellier, sous la direction du naturaliste Guillaume Rondelet, dont il sera le secrétaire pendant trois ans, que sa fascination pour les plantes ira en grandissant. Agé d’une bonne trentaine d’années il va entreprendre un certain nombre de voyages dans toute l’Europe pour herboriser. C’est ainsi qu’il visitera le Midi de la France, le Piémont, la Savoie, la Suisse, le Portugal, l’Espagne et l’Europe centrale. Il ramènera de ces divers séjours nombre de dessins et d’observations de plantes nouvelles et rares. En 1573, soit à l’âge de 47 ans, l’empereur d’Allemagne, Maximilien II, l’appelle à Vienne en tant que médecin et le nomme également intendant des jardins impériaux. Grâce à cette position clef il peut voyager dans toute l’Europe et se mettre en rapport avec de nombreux ambassadeurs qui lui ramènent d’Orient des plantes rares et de précieux manuscrits. C’est par ce biais que les tulipes, importées de Constantinople, firent d’abord leur apparition à Vienne. Après être resté de très nombreuses années dans cette ville il fonde, à l’Université de Leyde, le jardin botanique. Il y cultive des plantes rares mais sans utilité connue pour la médecine. En 1593 il est nommé professeur de botanique, charge qu’il occupera jusqu’à sa mort. C’est alors qu’il était professeur qu’il installa sa précieuse collection de tulipes. Elle provoqua un tel engouement qu’il ne put rapidement faire face à la demande malgré les prix exorbitants exigés! C’est alors qu’un voleur, dit-on, lui déroba la presque totalité de ses bulbes. Le larron, en tout cas, ne perdit pas de temps et multiplia les plantes par semis pour satisfaire la nombreuse clientèle. Disons quelques mots sur l’introduction, en Europe, de ces fleurs à bulbes originaires, à l’état sauvage, d’Asie mais qui furent, pour la première fois, domestiquée en Turquie. Le premier à avoir acheté aux Turcs quelques uns de ces oignons, pour une somme assez élevée, fut Ogier Guislain de Busbecq, diplomate au service de l’empereur d’Autriche, Ferdinand Ier, alors aux prises avec Soliman le Magnifique. De retour dans la capitale, ces nouvelles plantes ornèrent les jardins impériaux et leur culture fut gardée secrète jusqu’en l’an 1593, date à laquelle Clusius planta les quelques bulbes qu’il avait ramenés de Vienne. Leur renom se répandit rapidement et la tulipomania gagna toute la Hollande ! On lui doit également l’introduction, en 1576, du marronnier d’Inde et de la pomme de terre, en 1588 (en 1586, elle avait été ramenée de Virginie par le corsaire anglais Francis Drake). Charles de l’Ecluse a publié, bien sûr, un certain nombre d’ouvrages remarquables par la précision des descriptions : en 1576, il fait paraître une flore d’Espagne suivie, en 1583, de la description des plantes d’Autriche et des régions voisines. En 1601, il fait éditer un important traité de botanique intitulé : Rariorum plantarum historia illustré par plus de 1500 gravures et divisé en 6 livres typiques de la classification botanique de l’époque. En I sont groupés, arbres, arbrisseaux et sous-arbrisseaux – en II, les plantes tubéreuses et bulbeuses – en III, les fleurs à parfum agréable – en IV, les fleurs sans parfum – en V, les plantes vénéneuses, narcotiques ou corrosives – en VI, les plantes laiteuses, les ombellifères, les légumineuses, les mousses, les fougères et les champignons.

Marcel Proust et la Botanique

Dans sa Correspondance on apprend que le curé d’Illiers avait commencé son initiation au langage des fleurs et qu’il avait consulté le manuel de Botanique de Gaston Bonnier pour décrire certaines fleurs dans son œuvre. En outre il s’était emparé des découvertes de Darwin, dont les travaux venaient d’être traduits en français, pour expliquer l’homosexualité à la société de son temps et pour s’en disculper. Il montre, avec beaucoup d’adresse et de connaissances scientifiques la similarité entre les deux comportements humain et végétal. ——- proust.jpg Marcel Proust (1871-1922) —— L’article n’ayant pas pour but de développer ce thème, nous donnerons au lecteur quelques passages de son œuvre touchant à la description de certaines fleurs. Le chemin des aubépines Je le trouvai tout bourdonnant de l’odeur des aubépines. La haie formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir. Leur parfum s’étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j’eusse été devant l’autel de la Vierge et les fleurs, ainsi parées, tenaient chacune, d’un air distrait, son étincelant bouquet d’étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qu’à l’église ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail et qui s’épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier. Combien naïves et paysannes, en comparaison, sembleraient les églantines qui, dans quelques semaines, monteraient, elles aussi, en plein soleil, le même chemin rustique en la soie unie de leur corsage rougissant qu’un souffle défait ! Coquelicot et bleuets Je poursuivais jusque sur le talus qui, derrière la haie, montait en pente raide vers les champs, quelque coquelicot perdu, quelques bleuets restés paresseusement en arrière qui le décoraient ça et là de leurs fleurs comme la bordure d’une tapisserie où apparaît clairsemé le motif agreste qui triomphera sur le panneau ; rares, encore espacés comme les maisons isolées qui annoncent déjà l’approche d’un village, ils m’annonçaient l’immense étendue où déferlent les blés, où moutonnent les nuages et la vue d’un seul coquelicot hissant au bout de son cordage et faisant cingler au vent sa flamme rouge au-dessus de sa bouée graisseuse et noire, me faisait battre le cœur comme au voyageur qui aperçoit sur une terre basse une première barque échouée que répare un calfat et s’écrie, avant de l’avoir encore vue : La Mer ! Jasmin et giroflée La haie laissait voir, à l’intérieur du parc, une allée bordée de jasmins, de pensées et de verveines entre lesquelles des giroflées ouvraient leur bourse fraîche du rose odorant et passé d’un cuir ancien de Cordoue, tandis que sur le gravier un long tuyau d’arrosage, peint en vert, déroulait ses circuits, dressait aux points où il était percé, au-dessus des fleurs dont il imbibait les parfums, l’éventail vertical et prismatique de ses gouttelettes multicolores. Lilas Avant d’arriver à la barrière blanche du parc de Swann nous rencontrions, venue au devant des étrangers, l’odeur de ses lilas. Eux-mêmes, d’entre les petits cœurs verts et frais de leurs feuilles, levaient curieusement, au-dessus de la barrière du parc leurs panaches de plumes mauves ou blanches que lustrait, même à l’ombre, le soleil où elles avaient baigné. Quelques-uns, à demi cachés par la petite maison en tuiles appelée « Maison des Archers », dépassaient son pignon gothique de leur rose minaret. Les nymphes du printemps eussent semblé vulgaires auprès de ces jeunes houris qui gardaient dans ce jardin français les tons vifs et purs des miniatures de Perse. Le temps des lilas approchait de sa fin ; quelques-uns effusaient encore en hauts lustres mauves les bulbes délicats de leurs fleurs, mais dans bien des parties du feuillage où déferlait, il y avait seulement une semaine, leur mousse embaumée, se flétrissait, diminuée et noircie, une écume creuse, sèche et sans parfum. Le tilleul Françoise faisait infuser son thé ; si ma tante se sentait agitée, elle demandait à la place sa tisane, et c’était moi qui étais chargé de faire tomber du sac de pharmacie dans une assiette la quantité de tilleul qu’il fallait mettre ensuite dans l’eau bouillante. Le dessèchement des tiges les avait incurvées en un capricieux treillage dans les entrelacs duquel s’ouvraient les fleurs pâles, comme si un peintre les eût arrangées, les eût fait poser de la façon la plus ornementale. Les feuilles, ayant perdu ou changé leur aspect, avaient l’air des choses les plus disparates, d’une aile transparente de mouche, de l’envers blanc d’une étiquette, d’un pétale de rose, mais qui eussent été empilées, concassées ou tressées comme dans la confection d’un nid.

L’amadouvier est un champignon

D’où vient cette matière inflammable, l’amadou, utilisée depuis la préhistoire ? Elle est tirée de l’amadouvier. Mais encore ! L’amadouvier est le nom familier donné à un champignon polypore non comestible mais non toxique (Fomes fomentarius) qui pousse, en parasite, sur les troncs de feuillus vivants ou morts comme le chêne et le peuplier, mais aussi sur le frêne, le saule et le hêtre. ——- amadou_general.jpg Amadouvier (Fomes fomentarius) ——— Il a la forme d’un sabot de cheval gravé de sillons concentriques formant entre eux des bourrelets qui s’amincissent avec l’âge ; sa taille peut devenir impressionnante puisque l’on trouve des spécimens atteignant 50 centimètres de diamètre ! Une coupe transversale de ce polypore montre la présence d’une croûte, qui durcit avec le temps, sous laquelle on trouve la chair, douce au toucher, dont la consistance a celle de la ouate et d’où l’on tire l’amadou ; à la face inférieure, en couches superposées, se distinguent des tubes s’ouvrant par des pores très petits, ronds, de 2 à 3 mm, souvent obstrués par une matière blanchâtre. ——- ct_amadou.jpg Coupe transversale de l’amadouvier. 1 : croûte dure ; 2: chair ou trame (amadou) ; 3: tubes. —– L’amadou a été utilisé à la fin de la préhistoire pour produire du feu ; les hommes de cette époque l’amorçaient grâce à des étincelles provenant de la percussion d’un morceau de pyrite contre une roche dure (silex) qu’ils dirigeaient sur un morceau d’amadou qui se consumait alors et qui était tout à fait capable d’enflammer de petites brindilles bien sèches. Ces étincelles n’entraînent pas systématiquement la combustion lente de l’amadou ; ce dernier doit être traité au préalable et mis ensuite à l’abri de l’humidité. On ne saurait reproduire ici les opérations délicates qui sont nécessaires à sa fabrication ; on comprendra mieux pourquoi ce produit est si cher ! Sur le site www.futura-sciences.com, consacré à l’amadouvier, on trouvera un excellent article sur la préparation de l’amadou écrit par Bertrand Roussel et son équipe. Outre sa possibilité de s’enflammer facilement, l’amadou connaît ou a connu d’autres usages : il a servi à la fabrication de vêtements, de pansements grâce à son effet hémostatique dû à sa texture et de mèche pour les artificiers. Citons, pour finir, les briquets à amadou remplacés aujourd’hui par des briquets à essence.

Charles Plumier (1646-1704)

Issu d’une obscure famille il naquit à Marseille en 1646. Vers 16 ans il entra dans les Ordres Minimes où il étudiera les Mathématiques et la Physique et où il se fera remarquer pour ses dons de sculpteur, de dessinateur et de peintre. Envoyé à Rome dans le couvent de la Trinité de Mont, qui appartenait à la France, il fera la connaissance de Paolo Boccone (1633 – 1704) qui l’initiera à la botanique. Ses études théologiques terminées il retourne en France. Elève de Joseph Pitton de Tournefort, dont il deviendra l’assistant, il réunit un herbier considérable constitué de plantes provenant des côtes de Provence et du Languedoc dont il dessine la plupart des espèces en vue d’un ouvrage composé de planches. Mais le cours de sa vie va prendre une autre direction lorsque Michel Begon, intendant des Galères à Marseille, est chargé par Louis XIV de trouver un naturaliste qui accepte d’explorer les Antilles françaises ; ce rôle échoira à J.D. Surian, apothicaire marseillais, qui offrira à Plumier de partir avec lui (1689). —— Plumier_Charles.jpg ——– Il fit preuve, là-bas, d’un tel zèle qu’il fut récompensé à son retour en touchant une pension de la Cour et en recevant le titre de botaniste du Roi. En 1693 et en 1695 il accomplira deux autres voyages non moins fructueux dans cette partie du monde et en Amérique centrale. Il rapportera de ces expéditions des manuscrits illustrés de planches extrêmement précises décrivant 106 genres nouveaux parmi lesquelles figure la plante appelée par lui : Fuchsia triphylla flore coccinea, en mémoire du Médecin-Botaniste allemand Leonard Fuchs (1501 – 1561) et que les indigènes de Saint-Domingue désignait sous le nom de « plante de beauté ». Il décrivit aussi le « Bégonia » en remerciement à Charles Bégon, son meilleur ami. En 1704 (peut-être 1706) il allait s’embarquer de nouveau dans le but de répertorier les différentes variétés de quinquina en vue d’apporter un remède contre le paludisme qui faisait des ravages dans les rangs des soldats du roi Soleil, lorsqu’il fut terrassé lui-même, au port Sainte-Marie, près de Cadix, par cette maladie parasitaire qui fut suivie d’une pleurésie mortelle. La France perdit ce jour l’un des plus importants explorateurs botaniques de son temps. Loin de n’être qu’un descripteur il distribua, en genres, les plantes et les animaux qu’il observa. Sa classification, originale, fut reprise en partie par Linné. C’est Charles Plumier qui introduisit l’usage de donner aux genres nouveaux les noms de botanistes marquants, de voyageurs, de médecins ou de naturalistes (exemples : les frères Bauhin, Otto Brunfels, Jacques Daléchamps, Mathias de l’Obel, Conrad Gessner, Pietro Andrea Matthioli, Nicolas- Claude Fabri de Peiresc, etc.).

Fenêtre sur la botanique et la biodiversité