Les gentianes sont des plantes essentiellement montagnardes absentes du continent africain (sauf au Maroc). Elles sont herbacées et généralement vivaces, rarement annuelles (Gentiana nivalis, Gentiane des neiges en Europe). —— Gentiana lutea, la gentiane jaune (parc national du Gran Sasso, août 2006,Italie) —— Les feuilles sont normalement opposées sinon en rosette ou verticillées. Les fleurs sont régulières, pentamères, parfois tétramères (Gentiane ciliée, Gentiana ciliata, des collines sub-alpines et des Alpes). Les sépales sont soudés entre eux ainsi que les pétales. Gentiana se distingue de Gentianella par la présence de petits lobes entres les pétales. Les étamines sont portées sur le tube de la corolle. L’ovaire est supère, à 1 seule loge. —– Gentiana lutea. Les fleurs sont groupées à l’aisselle de grandes feuilles opposées à nervures bien marquées. —– La grande gentiane ou gentiane jaune (Gentiana lutea) est une plante thérapeutique : la racine est indiquée pour les troubles digestifs tels que l’inappétence, les flatulences ou les ballonnements. Les principes actifs sont des substances amères favorisant les sécrétions salivaires et gastriques par une stimulation des récepteurs gustatifs. La racine de la gentiane jaune est aussi utilisée pour parfumer certaines liqueurs apéritives dont l’amertume est caractéristique.
Leonhart Fuchs
Fuchs naquit en Allemagne le 17 janvier 1501 à Wemding, ville située à l’ouest de Nördlingen. On sait peu de chose sur sa famille si ce n’est que son père et son grand-père occupèrent la charge de bourgmestre (l’équivalent de maire) dans sa ville natale. Suite à de brillantes études supérieures menées à Erfurt et à Heilbronn il obtint un titre de docteur en 1524 ce qui lui permit, en 1526, d’obtenir la chaire de médecine à Ingolstadt. Il y pratiquera et enseignera cette discipline pendant deux ans au terme desquels il deviendra le médecin attitré du margrave [1] Georges de Brandebourg à Ansbach. —— Représentation de Fuchs ———- Plus tard, en 1535, il sera appelé à Tübingen par le duc Ulrich de Wurtemberg afin de participer à la réforme de l’université dans l’esprit de l’humanisme suite à son adhésion aux idées de Luther. Il restera dans cette ville jusqu’à sa mort qui surviendra le 10 mai 1566. Durant cette période il occupera, en plus de ses fonctions de professeur, le poste de recteur pour lequel il sera reconduit sept fois de suite. Ces différentes charges ne l’empêcheront pas de s’intéresser à l’anatomie, à la thérapeutique, à la botanique et à la chirurgie (il fera également des recherches sur la lèpre) ; dans ses écrits il tentera de renverser l’autorité des médecins arabes en remettant à l’honneur les auteurs grecs et romains comme Dioscoride [2], Pline l’Ancien [3], Hippocrate et Galien. Cet article n’étant pas particulièrement destiné à parler de médecine intéressons-nous maintenant aux travaux de Fuchs en matière de botanique ; ils feront l’objet d’un ouvrage intitulé : De Historia stirpium commentarii insignes qui paraîtra à Bâle en 1542. Dans la préface, adressée au margrave de Brandebourg, il dresse un historique de l’usage des plantes médicinales depuis l’Antiquité jusqu’à son époque. Fuchs recense et présente ensuite, dans l’ordre alphabétique, plus de 400 plantes d’origine allemande avec leurs vertus médicinales auxquelles viennent s’ajouter une centaine de plantes étrangères, parfois même exotiques comme le maïs originaire d’Amérique. Au lieu de se contenter, comme la plupart des érudits de l’époque, d’étudier la nature dans les livres anciens où les plantes décrites ne sont pas forcément celles de leur environnement et d’en faire une compilation, Fuchs engagea deux dessinateurs plus un graveur qui furent chargés de reproduire, d’après nature et avec un grand souci d’exactitude scientifique, les espèces qu’il avait soigneusement déterminées. —– L’Anémone sylvestre dans Historia stirpium ——- Les portraits de ces artistes au travail sont représentés à la fin de son ouvrage ainsi que celui de l’auteur. C’est surtout aux 512 bois gravés présentant les plantes en pleine page que cet herbier imprimé doit sa célébrité. Fuchs fut le premier à décrire la digitale (Digitalis purpurea et Digitalis lutea) dont les fleurs furent nommées par lui : dés à coudre. Si ce livre a des qualités certaines il faut tout de même dire que les critères utilisés par Fuchs pour délimiter les espèces s’appuient essentiellement sur l’apparence générale des fleurs, voire sur leur odeur, leur couleur ou la grandeur des feuilles. Il ne tente pas d’élaborer un système de classification et il range les plantes, comme on l’a dit, suivant un ordre alphabétique. —— Index de Historia stirpium : les plantes sont présentées selon un ordre alphabétique. —— Il utilise, certes, un système binomial (nom du genre suivi d’un nom d’espèce) sans pour autant le systématiser comme le feront plus tard Linné puis Antoine de Jussieu. Chaque chapitre présente un genre et les différentes espèces qui le composent ; pour chacune d’elles sont précisés le milieu où on la trouve, les diverses propriétés que lui ont attribuées les auteurs anciens ainsi que leurs fonctions thérapeutiques. Malgré ces imperfections Leonhart Fuchs a contribué largement au progrès de la botanique de même que Valerius Cordus et Otto Brunfels considérés comme les pères allemands de cette discipline. —— [1] Margrave : titre porté par certains souverains d’Allemagne. [2] Dioscoride : Médecin grec du premier siècle de notre ère ; son herbier illustré intitulé « De Medica Materia » est le meilleur traité de Botanique jamais conçu jusqu’à la Renaissance. Les descriptions des plantes (environ 600) sont toutefois superficielles et parfois inexactes. Son œuvre, très appréciée au Moyen Âge, fut souvent recopiée et traduite dans de nombreuses langues. [3] Pline l’Ancien : naturaliste romain du premier siècle ; auteur de nombreux traités il est surtout connu par son Histoire Naturelle en 37 volumes qui a été, pendant longtemps, la référence en matière de connaissances scientifiques et techniques. On pourrait parler d’une encyclopédie tant les sujets traités sont variés ; pour ce qui nous intéresse, la botanique et l’agriculture occupent les chapitres 12 à 22 et les chapitres 23 à 27 traitent de la matière médicale botanique.
La fleur de lys est une fleur d’iris
Dans les manifestations artistiques des plus anciennes civilisations, comme celle des Assyriens ou des Egyptiens, ce motif a parfois été utilisé ; si cette image a une origine lointaine elle ne permet pas, pour autant, de dire avec certitude quelle fleur en est l’inspiratrice. Elle serait, suivant certaines interprétations, une représentation stylisée de l’iris jaune des marais (Iris pseudacorus) que Clovis, roi des Francs de 465 à 511, aurait adoptée après sa victoire de Vouillé sur les Wisigoths et disposée sur ses bannières en remplacement des trois crapauds qui les ornaient jusque-là. Pour nombre d’historiens cette attribution n’est qu’une légende servant à légitimer la royauté mais elle connaîtra, cependant, une grande diffusion. Depuis le 17e siècle cette tradition est discutée par les érudits mais elle n’en continue pas moins à persister. Ce motif ne prit son vrai nom de fleur de Lys que lors de la seconde croisade, en 1147. Louis VII le Jeune ayant décidé d’en faire le symbole de la France et de toute la Chrétienté, on l’appela d’abord Fleur-de-Louis, puis par déformation, Fleur-de-Luce (Loys) et, enfin, Fleur-de-Lis. Pour d’autres érudits la fleur de Lys représenterait un embout de javelot gaulois, voire d’angon, une arme franque avec pointe et crochets. Ce symbolisme guerrier serait plus en rapport avec l’époque où il fut adopté qu’une vision champêtre ! Pour clore ce vaste sujet signalons que Iris versicolor est devenu la fleur emblématique du Québec depuis le 28 octobre 1999 en remplacement du lis blanc (Lilium candidum) qui avait été choisi en 1963. Le cliché d’ Iris pseudacorus ci-dessous prouve qu’avec un peu d’imagination on peut styliser sa forme et lui donner l’allure d’une fleur de lis ! —– Iris pseudoacorus —— Une fleur d’iris horticole prise sous un angle adéquat peut, de nos jours, donner l’impression qu’on a également devant soi une fleur de Lys. Comme on peut s’en rendre compte l’origine de l’emblème royal et marial est loin d’être assurée. —— Iris horticole ——
Charles de l’Ecluse
Les deux hommes ne se sont point connus car un siècle environ les sépare. Charles de L’Ecluse naquit, en effet, en 1526, dans la ville d’Arras, et mourut à Leyde, au Pays-Bas, en 1609 alors que Plumier vint au monde en 1646. ____________________________________________________________ Charles de l’Ecluse ____________________________________________________________ Clusius fit d’abord des études de droit, à Gand et Louvain, pour s’intéresser ensuite à la Médecine qu’il pratiqua occasionnellement. C’est à Montpellier, sous la direction du naturaliste Guillaume Rondelet, dont il sera le secrétaire pendant trois ans, que sa fascination pour les plantes ira en grandissant. Agé d’une bonne trentaine d’années il va entreprendre un certain nombre de voyages dans toute l’Europe pour herboriser. C’est ainsi qu’il visitera le Midi de la France, le Piémont, la Savoie, la Suisse, le Portugal, l’Espagne et l’Europe centrale. Il ramènera de ces divers séjours nombre de dessins et d’observations de plantes nouvelles et rares. En 1573, soit à l’âge de 47 ans, l’empereur d’Allemagne, Maximilien II, l’appelle à Vienne en tant que médecin et le nomme également intendant des jardins impériaux. Grâce à cette position clef il peut voyager dans toute l’Europe et se mettre en rapport avec de nombreux ambassadeurs qui lui ramènent d’Orient des plantes rares et de précieux manuscrits. C’est par ce biais que les tulipes, importées de Constantinople, firent d’abord leur apparition à Vienne. Après être resté de très nombreuses années dans cette ville il fonde, à l’Université de Leyde, le jardin botanique. Il y cultive des plantes rares mais sans utilité connue pour la médecine. En 1593 il est nommé professeur de botanique, charge qu’il occupera jusqu’à sa mort. C’est alors qu’il était professeur qu’il installa sa précieuse collection de tulipes. Elle provoqua un tel engouement qu’il ne put rapidement faire face à la demande malgré les prix exorbitants exigés! C’est alors qu’un voleur, dit-on, lui déroba la presque totalité de ses bulbes. Le larron, en tout cas, ne perdit pas de temps et multiplia les plantes par semis pour satisfaire la nombreuse clientèle. Disons quelques mots sur l’introduction, en Europe, de ces fleurs à bulbes originaires, à l’état sauvage, d’Asie mais qui furent, pour la première fois, domestiquée en Turquie. Le premier à avoir acheté aux Turcs quelques uns de ces oignons, pour une somme assez élevée, fut Ogier Guislain de Busbecq, diplomate au service de l’empereur d’Autriche, Ferdinand Ier, alors aux prises avec Soliman le Magnifique. De retour dans la capitale, ces nouvelles plantes ornèrent les jardins impériaux et leur culture fut gardée secrète jusqu’en l’an 1593, date à laquelle Clusius planta les quelques bulbes qu’il avait ramenés de Vienne. Leur renom se répandit rapidement et la tulipomania gagna toute la Hollande ! On lui doit également l’introduction, en 1576, du marronnier d’Inde et de la pomme de terre, en 1588 (en 1586, elle avait été ramenée de Virginie par le corsaire anglais Francis Drake). Charles de l’Ecluse a publié, bien sûr, un certain nombre d’ouvrages remarquables par la précision des descriptions : en 1576, il fait paraître une flore d’Espagne suivie, en 1583, de la description des plantes d’Autriche et des régions voisines. En 1601, il fait éditer un important traité de botanique intitulé : Rariorum plantarum historia illustré par plus de 1500 gravures et divisé en 6 livres typiques de la classification botanique de l’époque. En I sont groupés, arbres, arbrisseaux et sous-arbrisseaux – en II, les plantes tubéreuses et bulbeuses – en III, les fleurs à parfum agréable – en IV, les fleurs sans parfum – en V, les plantes vénéneuses, narcotiques ou corrosives – en VI, les plantes laiteuses, les ombellifères, les légumineuses, les mousses, les fougères et les champignons.
Marcel Proust et la Botanique
Dans sa Correspondance on apprend que le curé d’Illiers avait commencé son initiation au langage des fleurs et qu’il avait consulté le manuel de Botanique de Gaston Bonnier pour décrire certaines fleurs dans son œuvre. En outre il s’était emparé des découvertes de Darwin, dont les travaux venaient d’être traduits en français, pour expliquer l’homosexualité à la société de son temps et pour s’en disculper. Il montre, avec beaucoup d’adresse et de connaissances scientifiques la similarité entre les deux comportements humain et végétal. ——- Marcel Proust (1871-1922) —— L’article n’ayant pas pour but de développer ce thème, nous donnerons au lecteur quelques passages de son œuvre touchant à la description de certaines fleurs. Le chemin des aubépines Je le trouvai tout bourdonnant de l’odeur des aubépines. La haie formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir. Leur parfum s’étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j’eusse été devant l’autel de la Vierge et les fleurs, ainsi parées, tenaient chacune, d’un air distrait, son étincelant bouquet d’étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qu’à l’église ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail et qui s’épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier. Combien naïves et paysannes, en comparaison, sembleraient les églantines qui, dans quelques semaines, monteraient, elles aussi, en plein soleil, le même chemin rustique en la soie unie de leur corsage rougissant qu’un souffle défait ! Coquelicot et bleuets Je poursuivais jusque sur le talus qui, derrière la haie, montait en pente raide vers les champs, quelque coquelicot perdu, quelques bleuets restés paresseusement en arrière qui le décoraient ça et là de leurs fleurs comme la bordure d’une tapisserie où apparaît clairsemé le motif agreste qui triomphera sur le panneau ; rares, encore espacés comme les maisons isolées qui annoncent déjà l’approche d’un village, ils m’annonçaient l’immense étendue où déferlent les blés, où moutonnent les nuages et la vue d’un seul coquelicot hissant au bout de son cordage et faisant cingler au vent sa flamme rouge au-dessus de sa bouée graisseuse et noire, me faisait battre le cœur comme au voyageur qui aperçoit sur une terre basse une première barque échouée que répare un calfat et s’écrie, avant de l’avoir encore vue : La Mer ! Jasmin et giroflée La haie laissait voir, à l’intérieur du parc, une allée bordée de jasmins, de pensées et de verveines entre lesquelles des giroflées ouvraient leur bourse fraîche du rose odorant et passé d’un cuir ancien de Cordoue, tandis que sur le gravier un long tuyau d’arrosage, peint en vert, déroulait ses circuits, dressait aux points où il était percé, au-dessus des fleurs dont il imbibait les parfums, l’éventail vertical et prismatique de ses gouttelettes multicolores. Lilas Avant d’arriver à la barrière blanche du parc de Swann nous rencontrions, venue au devant des étrangers, l’odeur de ses lilas. Eux-mêmes, d’entre les petits cœurs verts et frais de leurs feuilles, levaient curieusement, au-dessus de la barrière du parc leurs panaches de plumes mauves ou blanches que lustrait, même à l’ombre, le soleil où elles avaient baigné. Quelques-uns, à demi cachés par la petite maison en tuiles appelée « Maison des Archers », dépassaient son pignon gothique de leur rose minaret. Les nymphes du printemps eussent semblé vulgaires auprès de ces jeunes houris qui gardaient dans ce jardin français les tons vifs et purs des miniatures de Perse. Le temps des lilas approchait de sa fin ; quelques-uns effusaient encore en hauts lustres mauves les bulbes délicats de leurs fleurs, mais dans bien des parties du feuillage où déferlait, il y avait seulement une semaine, leur mousse embaumée, se flétrissait, diminuée et noircie, une écume creuse, sèche et sans parfum. Le tilleul Françoise faisait infuser son thé ; si ma tante se sentait agitée, elle demandait à la place sa tisane, et c’était moi qui étais chargé de faire tomber du sac de pharmacie dans une assiette la quantité de tilleul qu’il fallait mettre ensuite dans l’eau bouillante. Le dessèchement des tiges les avait incurvées en un capricieux treillage dans les entrelacs duquel s’ouvraient les fleurs pâles, comme si un peintre les eût arrangées, les eût fait poser de la façon la plus ornementale. Les feuilles, ayant perdu ou changé leur aspect, avaient l’air des choses les plus disparates, d’une aile transparente de mouche, de l’envers blanc d’une étiquette, d’un pétale de rose, mais qui eussent été empilées, concassées ou tressées comme dans la confection d’un nid.